Au même titre que l’agriculteur entretient un lien de connaissance intime avec « sa terre », j’ai saisi l’occasion de cette résidence pour tenter, moi aussi,
de construire une relation approfondie avec cette matière.

Appréhendée à travers ses usages traditionnels (agriculture, construction,céramique), ses alliances avec le vivant (micro-organismes, ferments, fibres…) et ses portées symboliques et poétiques, la terre est devenue le sujet central de mon travail de recherche.

Dénichée, ramassée, transformée, tamisée, mélangée, moulée, crue ou cuite, j’ai observé la terre dans tous ces changements et métamorphoses afin de dresser un inventaire artistique de ses états potentiels.

Devenue matériau de prédilection, elle a permis la réalisation, au coeur de la ferme, d’une sculpture qui, tout en rendant hommage au corps de la vache,
réinstaure la tradition conviviale du repas partagé.

Réalisation d’un Four-sculpture en terres crues locales, bois, ardoises et céramique

Durant mes semaines passées dans la ferme du Broyou, j’ai découvert des terres, des paysages, des chemins et des manières de les arpenter.

J’ai côtoyé un quotidien au travail, partagé entre humains de divers horizons, au près des bêtes et des cultures.

J’ai humé l’odeur du foin, le corps des vaches, l’exhalaison de la pluie.

J’ai touché l’herbe, gratté le dos des chiens, caressé le duvet des mamelles, pressé entre mes mains l’argile extraite des fossés.

J’ai creusé çà et là pour voir le sous-sol, découvrir des couleurs et des textures, comprendre les histoires du dessous.

J’ai questionné les liens, au chez-soi, au travail, aux vivants ; j’ai écouté les histoires d’avant et celles de maintenant, les enthousiasmes, les nostalgies, les transformations et les lassitudes. J’ai raconté aussi, pour partager.

J’ai perçu la joie des vers de terre, le plaisir de trouver les équilibres au sein d’un vivant complexe, j’ai admiré la science de l’expérience et la persévérance qui l’accompagne.

Je me suis enfoncée dans les zones humides, j’ai exploré les frontières entre la ferme et la réserve naturelle, je me suis arrêtée aux montagnes noires des terrils de la mine, j’ai regardé des cartes et suivi des chemins, j’ai visité les bâtiments et leurs à côtés, j’ai été invitée dans les maisons et à certaines tablées.